Inspiré du roman éponyme de Douglas Kennedy, « L’homme qui voulait vivre sa vie » raconte l’histoire d’un avocat trentenaire, photographe frustré, qui prend la place de l’amant de sa femme après l’avoir accidentellement tué. Il part alors pour Kotor, en Serbie, où il pourra enfin s’adonner à sa passion. Deux phrases suffisent donc à résumer une histoire dont Alfred Hitchcock aurait fait un thriller à multiples rebondissements. Et pourtant, le film d’Eric Lartigau est la quintessence de la mauvaise adaptation de roman. L’idée de départ, certes bonne, s’essouffle assez vite : était-il vraiment nécessaire de consacrer deux heures et demie à l’histoire finalement toute banale d’un homme qui se fait passer pour un autre et dont la vie, on le comprend à la fin, ne sera qu’une longue fuite en avant ? La réalisation assez plate contribue aussi au sentiment de morosité qui nous envahit à la vue de ce navet de haut-vol, ma foi assez gentillet. Un temps sauvé par les dialogues, qui nous font croire l’espace d’un instant qu’on va sombrer dans une énième comédie dramatique parisienne, tout cela disparaît dès que l’action change de cadre et que c’est désormais la poésie des images et la bande-son qui se chargent de donner un peu de relief à l’histoire.
La production mise évidemment sur la performance de l’acteur principal. Mais le Romain Duris de « l’Auberge Espagnole » semble avoir disparu, du moins perdu l’attrait de la nouveauté qu’il représentait à l’époque. Duris en jeune cadre dynamique papa de trente ans, on y croit pas une minute. Il a l’air tout de suite plus à l’aise dans un rôle qui lui colle à la peau, celui de l’artiste bohème légèrement névrosé, toujours en partance pour un endroit lointain. Autant dire que le renouveau est loin d’être la sauce favorite de notre ami Duris ! Marina Foïs, après avoir débuté dans un registre comique où elle excellait et qui l’a faite connaître avec les Robins des Bois, s’est depuis qu’elle est passée aux comédies dramatiques, enfermée dans les rôles compliquées d’épouses rigides et frustrées. C’était déjà le cas dans « Le code a changé » de Danièle Thompson. Un rôle de plus comme celui-là et elle ne fera plus que cela le reste de sa vie. Catherine Deneuve, quant à elle, reste fidèle à elle-même dans le rôle de la grande-bourgeoise un peu désespérée, toujours noble et digne alors que la mort guette, peut-être une parabole de sa vie qui sait ? A noter tout de même, l’apparition de Niels Arestrup, vu dans « Un prophète » et qui se complaît là-aussi dans le stéréotype, celui du vieillard bourru et du génie alcoolique.
André Gide disait que les bons sentiments font la mauvaise littérature. Il faut croire qu’il en va de même pour le mauvais cinéma. Pour ma part, le film m’aura au moins donné envie de lire le livre dont il est inspiré, l’original valant toujours mieux qu’une pâle copie. Comme le scénariste, je le sais, a pris quelques libertés par rapport à l’histoire originale, le roman promet au moins d’offrir une fin différente et de contenter ma curiosité. Et comme je fais confiance à la prose nerveuse et au style fluide de Kennedy, je sais qu’au moins, cette fois-ci, je ne m’écroulerai pas d’ennui alors que je viens de commencer ma lecture.
Julien Vallet
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